Christiane Singer, (1943-2007), est une essayiste et
romancière française.
« Notre société ne sait pas expirer,
restituer, lâcher prise, ménager les pauses de l’apnée. Mue par une avidité
insatiable, fouettée en avant comme une toupie, elle est sur le point de tout
engloutir. Aveuglement et accélération incessante forment un effrayant duo.
A tous les niveaux se reproduit ce même
schéma de comportement favorisant l’avoir, la satisfaction immédiate des
désirs, la précipitation, la brusquerie, au détriment de leurs
corollaires : l’être pur et simple, la disponibilité, la patience, la
croissance douce, la dimension contemplative. Le yang détruit le yin.
En détruisant le yin dans toutes ses
manifestations métaphysiques et sociales, le yang se détruit lui-même – car ces deux forces sont les deux
aspects d’une seule et même réalité, flux et reflux du même océan, recto et
verso d’une même feuille.
Une conséquence en est que, dans notre
société, seule une part de la réalité est prise en charge, exaltée,
hypertrophiée, gonflée au silicone : le plaisir, la santé, la jeunesse, la
sécurité, le sans-effort, la vitesse. L’autre dimension, pourtant inhérente à
la première, est occultée, atrophiée, niée, rejetée : la maladie, la
souffrance, la mort, l’effort, l’apprentissage, la responsabilité, la
vieillesse. »
Christiane
SINGER, Du bon usage des crises (chapitre « Le futur de l’homme, un nouvel
humanisme ? »)
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